Comme on a vu, le film tout entier superpose deux thèmes, celui de la déportation des Juifs et celui du face à face plus ou moins fantomatique entre Monsieur Klein et son double. Mais la fin du film change la donne. Les deux thèmes fusionnent, comme deux fleuves dont le plus grand engloutit le plus petit. La perte d’identité qui menace Robert Klein sous l’effet du dédoublement est aussi celle, infiniment plus massive, qui frappe de plein fouet la population juive. L’enfermement dans le camp de prisonniers prive chacun des éléments concrets de sa personnalité (son domicile, son activité, sa liberté d’aller et de venir). Bientôt, c’est le nom lui-même qui s’effacera au profit d’un numéro tatoué sur le bras. Robert Klein avait non seulement pensé pouvoir ignorer ce destin collectif, mais même en tirer profit. Son histoire vient ruiner son calcul, et même son existence. Mais il ne comprend toujours pas, puisqu’il crie « Je reviens » à son avocat, présent lui aussi, comme s’il était encore maître de son destin.
JPB